vendredi 1 avril 2011

Retour sur le Tournoi : l'Irlande, la plus dangereuse pour l'hémisphère Sud ?

    Comme nous nous y attendions, le Tournoi a été très ouvert, très serré, mais remporté par l’Angleterre. Il confirme la perte de vitesse du Nord face à l’hémisphère Sud (déjà visible lors du Tournoi 2010), avec ses équipes en construction (Angleterre), celles qui pâtissent d’une absence totale de politique de long terme (France), ou les nations dans un déclin relatif (Irlande). Il montre néanmoins que nous possédons dans l’hémisphère Nord une bonne réserve de joueurs de talents.
Petit passage en revue. Pour commencer, l’Angleterre et l’Irlande.


    L'Angleterre de retour, mais encore en construction

   L’Angleterre a logiquement gagné le Tournoi, et confirmé le bien qu’on pensait d’elle depuis les tournées de l’été dernier. Après quelques années de passage à vide, touchant le fond au début de l’ère Johnson, elle retrouve le rang international qui a presque toujours été le sien. Elle reste néanmoins une équipe en construction, comme l’a prouvé une deuxième partie de Tournoi pénible. Après avoir été quelque peu accrochée par l’équipe de France, elle s’est fait une sueur froide contre l’Ecosse à Twickenham puis a sombré en Irlande. Il est très rare de voir l’Angleterre prendre ainsi l’eau, être archi dominée durant la majeure partie d’un match. A notre connaissance, il faut remonter aux catastrophiques tournées de novembre 2008 ou à la défaite 43-13 en Irlande il y a quatre ans pour retrouver trace de matchs semblables, et parlons-nous là d’une des pires périodes qu’ait traversé le rugby anglais dans son histoire internationale !
  La déroute irlandaise prouve que cette équipe assez neuve manque d’expérience. Des avants de qualité mais sans joueur d’exception, un poste de demi de mêlée toujours pas pourvu d’un titulaire indiscutable, une évidente faiblesse chez les trois-quarts centre… Le tout partiellement compensé par deux ouvreurs talentueux (Flood et Wilkinson) et une ligne d’attaque pétillante (Foden, Ashton…). L’Angleterre est loin d’être la meilleure équipe du monde mais elle sera dangereuse à l’avenir. La longue parenthèse des dernières années est terminée.


       Irlande : la plus dangereuse pour l'hémisphère Sud ?

    Les Anglais ont beau avoir remporté le Tournoi, l’équipe la plus dangereuse pour l’hémisphère Sud dans l'optique de la prochaine coupe du monde semble être l’Irlande. Nous avions souligné le faux-semblant qu’avait constitué le match d’ouverture du Tournoi en Italie (victoire d’un point) (http://lerugbyinternational.blogspot.com/2011/02/irlande-france-gare-la-premiere-journee.html) , affirmant que « Pour peu que l’Irlande retrouve un peu de son fighting spirit d’antan (et peut-être aussi quelques joueurs actuellement blessés), elle pourrait bien être l’équipe à battre dans ce Tournoi ». En effet, « après dix ans de victoires et de matchs de très haut niveau, l’Irlande a désormais une connaissance intime de ses propres forces et faiblesses ».  La performance exceptionnelle contre l’Angleterre nous conforte dans cette opinion.

    Il est clair que le Quinze du Trèfle est sur une pente descendante depuis une bonne année, à l’image de la paire de centres O’Driscoll-D’Arcy et des avants du Munster (province qui n’a d’ailleurs pas réussi à se qualifier en quarts de finale de la Coupe d’Europe). Néanmoins, sa longue expérience, sa confiance, son homogénéité rugbystique et culturelle en font l’une des équipes les plus solides du rugby mondial. De plus, certains postes ont été renouvelés avec succès, que ce soit aux ailes (Bowe, Earls…), dans la troisième-ligne (Heaslip, O’Brian), ou à l’ouverture avec Sexton (qui a néanmoins des leçons à prendre de l’extrême intelligence de jeu de Ronan O’Gara). L’Irlande est peut-être vieillissante, mais jamais elle n’a produit un jeu si plein dans la première moitié des années 2000. A l’inverse, elle ne subit plus de roustes dans le Tournoi, comme ce fut souvent le cas au début de l’autre décennie.

   Il faut bien comprendre que le Quinze du Trèfle a de tous temps été le parent pauvre de l’hémisphère Nord. Son ascension fulgurante à partir de l’an 2000 – en parallèle de celle de Brian O’Driscoll, l’un des plus grands joueurs de l’histoire – ne s’est pas accompagnée immédiatement de victoires de prestige. Il lui a fallu deux ans pour gagner enfin contre un pays du Sud, puis deux autres années pour en remporter une seconde victoire. Pire, près de neuf ans pour gagner enfin le Tournoi (avec le Grand Chelem en prime). Un temps nécessaire pour se roder au niveau international, mais aussi pour s’habituer psychologiquement à ses nouvelles possibilités. La mémoire puise sa source dans des « temps immémoriaux »…
Cette maturité tardive de l’Irlande pourrait causer de grandes surprises à la prochaine coupe du Monde. Et si les hommes en vert atteignaient les demi-finales, alors qu’approche la fin de l’ère O’Driscoll ?