mercredi 28 novembre 2012

Tournées d'automne : espoirs, bérézina et harmonie


      Les tournées de cet automne 2012 sont très instructives.

Premier enseignement, l’équipe de France semble avoir trouvé une ossature digne des grandes équipes, à la faveur du retour de grands spécialistes du poste. Louis Picamoles, joueur dont nous n’avons cessé de louer les qualités extraordinaires et qui, à 26 ans, a trouvé grâce aux yeux des sélectionneurs, pourrait devenir le meilleur troisième-ligne centre du monde si on le laisse aligner les titularisations. Remarquons également le changement important au centre, où Maxime Mermoz a enfin récupéré son numéro 12.
Michalak, qui avait été choisi par curiosité lors de la dernière tournée en Argentine, donne de l’élan et de l’envie à la ligne de trois-quarts, compensant sa relative faiblesse au pied par une vista certaine dans le jeu à la main (décidemment, Lionel Beauxis ne pourra toujours pas faire valoir son énorme potentiel). Son passage en Afrique du Sud lui a donné de la maturité et de la sérénité, à l’image de sa réussite dans les pénalités. Remarquable aussi est la réapparition de Nyanga.

Ces retours de spécialistes se sont doublés de la titularisation de jeunes premiers découverts en Argentine. Machenaud semble avoir déjà joué souvent avec le Quinze de France tant il est solide, et Dulin met sa fougue au service de l’équipe.

Tout ceci est de bon augure. Pour la première fois depuis une quinzaine d’années, le sélectionneur montre de la constance dans ses choix et ne semble pas attiré par l’état d’esprit révolutionnaire ; changements permanents et jugements à courte vue ne font pas partie de son logiciel de pensée. Il nous semble qu’il sait reconnaître les joueurs d’exception.


Bérézina nordiste

 
La France est le seul pays du Nord à sortir la tête de l’eau (avec l’Italie, qui - toutes proportions gardées - a fait bonne figure). Ailleurs, c’est la bérézina.
Si l’Irlande demeure assez compétitive malgré l’arrivé de nouveaux joueurs et l’absence du capitaine O’Driscoll (courte défaite contre l’Afrique du Sud et large victoire contre l’Argentine), l’Angleterre ne parvient pas à gagner (y compris contre une Australie assez faible) et l’Ecosse a vécu l’affront – un de plus – de perdre à domicile face aux îles Tonga.
Enfin et surtout, le Pays de Galles a vécu un automne catastrophique : deuxième défaite de son histoire à domicile face à l’Argentine, premier revers contre les îles Samoa puis large défaite face à la Nouvelle-Zélande. Depuis qu’ils ont percé au plus haut niveau il y a neuf ans, les Gallois sont incapables de la moindre régularité. Où sont passés les demi-finalistes de la Coupe du Monde 2011 et les vainqueurs du dernier Tournoi ? A leur décharge, l’absence de quelques joueurs habituellement titulaires et surtout celle de leur entraineur, le grand Warren Gatland, qui a été nommé sélectionneur des Lions britanniques pour leur prochaine Tournée en 2013 et ne peut courir deux lièvres à la fois.

Dans toutes ces nations, on a pu remarquer l’incapacité à enchainer des phases de jeu basiques alors même qu’elles procédaient de choix tactiques : pénal-touches suivies de lancers déficients, affrontements en mêlées fermées ou choix de jouer à la main mais perte de balle immédiate etc. Comme si elles tentaient des choses qu’elles ne maitrisaient pas. C’est souvent le reflet d’équipes qui ne connaissent pas assez bien leurs propres forces et faiblesses.
 

La Nouvelle-Zélande en pleine harmonie
 

Dans l'hémisphère Sud, on peut s’enorgueillir de ces tournées, mis à part l’Australie, qui semble avancer à l’aveugle.
 
Ainsi, l’Afrique du Sud est restée invaincue et montre une solidité à toute épreuve. Ses jeunes avants confirment le bien que l’on pensait d’eux. Les Springboks ont encore quelques problèmes à régler (trouver un très bon ouvreur, être moins prévisibles quand ils approchent de l’en-but adverse), mais ils seront l’une des nations à battre dans les prochaines années.
Les îles polynésiennes n’ont jamais été autant à la fête ; il leur suffisait d’un déclic (en l’occurrence, un management sérieux et régulier). Les îles Samoa deviennent un vrai danger pour les nations majeures, ce que souligne leur huitième place au classement IRB (nous avions déjà souligné leur compétitivité en juillet 2011, http://www.lerugbyinternational.blogspot.fr/2011/07/l-es-samoa-sont-en-grande-forme.html).
Enfin, l’équipe de Nouvelle-Zélande atteint un niveau d’harmonie rarement vu dans le rugby international. S’ils n’avaient piétiné dans le troisième match de la coupe Bledisloe face à l’Australie il y a deux mois (nul 18-18), ils auraient battu aisément le record de victoires d'affilée d’un Quinze national. Ils demeurent invaincus depuis vingt rencontres.


Post-scriptum : encore deux matchs sont à jouer pour clôturer ces tournées d’automne : Galles-Australie et Angleterre-Nouvelle-Zélande en fin se semaine. Quelque que soit l’ampleur du sursaut d’orgueil des deux nations européennes, elle ne remettra pas en cause la domination actuelle du Sud. A noter que l’argent, bien plus que la passion, explique cet extra : les fédérations néo-zélandaise et australienne recevront 1,5 million de livres sterling pour ces rencontres jouées en surplus des trois semaines habituelles de Tournée…

mardi 3 juillet 2012

Nord-Sud : duel en cours...



      Les tournées d’été avaient commencé par un coup de tonnerre : la victoire de l’Ecosse sur le sol australien (le 5 juin), une première en trente ans (et seulement la deuxième victoire de toute son histoire dans l’hémisphère Sud). Cette issue prestigieuse, acquise par un temps froid et pluvieux, était néanmoins à relativiser : le sélectionneur australien avait tenté plusieurs remaniements dans le pack, et il avait dû faire sans ses arrière (Beale) et ouvreur (Cooper) attitrés, tous deux récupérant de blessure.

Plus tard, les Australiens ont montré, contre le Pays de Galles, qu’ils valaient mieux. Trois rencontres pour autant de victoires, souvent acquises à l’arraché (27-19, puis 25-23 et 20-19). Les vainqueurs du dernier Tournoi ont quant à eux manqué une belle occasion de remporter une Tournée dans l'autre hémisphère, ce qu’ils n’ont encore jamais réussi.

Fin de course pour l’Irlande

    Ces Tournées à l’ancienne ont permis de mesurer la compétitivité du Nord, avec des matchs serrés. Outre le Pays de Galles, l’Angleterre est parvenue à arracher un nul face à l’Afrique du Sud et l’Irlande a failli battre une fois la Nouvelle-Zélande.

On notera néanmoins la difficulté persistante pour les nations européennes de remporter ce genre de tests-matchs. L’exemple le plus cruel est la rouste infligée à l’Irlande par les All-Blacks dans la dernière des trois rencontres qui les opposaient : après avoir frôlé l’exploit (22-19 avec une pénalité de Carter à la dernière minute), l’Irlande a encaissé un 60 à 0 en clôture de tournée. Fatigués, conscients que l’occasion ne se reproduirait pas de sitôt, les Irlandais n’ont jamais réussi à sortir la tête de l’eau face à une Nouvelle-Zélande revancharde.
A l’image du regard noir et triste d’O’Driscoll après le coup de sifflet final, qui annonçait qu’il ne jouerait sans doute plus jamais dans ce pays du bout du monde, l’Irlande voit une page se tourner, celle de la fabuleuse décennie 2000.

    Loin de là, en Amérique du Sud, l’équipe de France a subi un revers face à une Argentine jeune et talentueuse (23-20), avant de montrer une belle réaction d’orgueil lors du second test-match (10-49). Quelques nouveaux joueurs sont à suivre (Dulin, Machenaud…) et des ‘oubliés’ ont montré que l’on pouvait compter sur leurs talents (Michalak, Mermoz…).

Quant à l’Ecosse, elle est restée invaincue lors de sa tournée dans le Pacifique. Victoire contre l’Australie (6-9), mais aussi contre des îles Fidji (25-37) et Samoa (16-17) que l’on avait vues très compétitives durant la dernière coupe du monde. C’est tout sauf un hasard.

Des cotes et des Boks

    Peu enclin à regarder les cotes des bookmakers, laissons pour une fois la parole à un correspondant régulier et sagace pour une analyse fort intéressante :

   «  Un petit mot sur les cotes... pour la prochaine coupe du monde. Je sais, c'est loin et c'est pas non plus l'alpha et l'oméga de toute chose, mais c'est assez représentatif des forces actuelles...




NZ = 2,25/1
Galles = 7/1
Australie = 7/1
Angleterre = 7/1
AfSud = 8/1
France = 10/1
Irlande = 26/1



Certes, la coupe du monde 2015 aura lieu en Angleterre, mais deux équipes de l'hémisphère Nord parmi les quatre favoris, c'est rare...

Comme d'habitude, la NZ est sous-cotée. Pas du tout intéressant de parier dessus. L'Australie me paraît aussi sous-cotée. Ils ont quelques petits jeunes performants mais je ne leur vois pas un avenir absolument radieux.

Par contre, par contre, attention à l'AfSud !! Ils ont été vraiment impressionnants pendant une mi-temps face à l'Angleterre, avec plein de nouveaux avants très jeunes qui se lançaient à l'assaut de la ligne anglaise avec fureur. Ce ne sont pas des monstres physiques, plutôt des gars mobiles et endurants. Ils me font un peu penser aux avants écossais. Et pourtant, leur nouveau coach – excellent, un type que tout le monde voulait comme entraîneur des Boks depuis des années – a dit qu'ils n'étaient même pas à 5% du niveau où il voulait qu'ils arrivent. Franchement, s'il arrive à construire cette équipe comme il veut, ils vont faire très mal...  (…)

En tout cas, le prochain quadri-nations va être intéressant, avec seulement des matchs aller-retour plus l'entrée de l'Argentine. (…)

Pour l'hémisphère nord, les Gallois paraissent vraiment au-dessus du lot ; tellement jeunes et déjà tellement doués. Attention aussi aux Anglais qui se construisent... Par contre, nous, heu... Franchement...
».

lundi 4 juin 2012

Intéressantes tournées d'été


       Il règnera en ce mois de juin comme un parfum de vieille tournée : l’Irlande, le Pays de Galles et l’Angleterre se déplaceront pendant près d’un mois dans un seul pays, respectivement en Nouvelle-Zélande, en Australie et en Afrique du Sud. Le voyage sera ponctué pour chacun d’eux de trois tests-matchs, ce qui augmentera les chances du Nord de gagner dans l’autre hémisphère.

Les victoires d’une nation européenne en terre sudiste sont rares. Depuis 1996, nous n’en dénombrons que sept, du seul fait de l’Angleterre et de la France (nous ne prenons pas ici en compte les Lions britanniques). Quand aux tournées victorieuses, elles se comptent sur les doigts de la main dans les décennies passées. La dernière remonte à 1994, avec les deux succès des Bleus de Berbizier en Nouvelle-Zélande.


L’Irlande et Galles pour une première ?

    En ce mois de juin, deux tournées retiennent l’attention. Celle de l’Irlande tout d’abord, qui n’a jamais gagné contre les All Blacks en plus de cent ans de rencontres internationales. Quel visage va offrir l’équipe néo-zélandaise pour sa première apparition depuis son sacre mondial ô combien mérité il y a sept mois ? Comme lors des précédents déplacements irlandais, gageons que nous aurons à voir des matchs serrés et intenses. D’un côté, le meilleur Quinze du monde, de l’autre, l’équipe la plus solide de l’hémisphère Nord… L’Irlande aura trois chances pour enfin arracher une victoire contre la Nouvelle-Zélande.

L’autre formation à suivre est celle du pays de Galles. Le talentueux vainqueur du Grand Chelem nous semble tout-à-fait en mesure de battre les Wallabies cet été. Il est temps pour les Gallois de marquer notre époque de leur empreinte. S’ils co-dominent le rugby de l’hémisphère Nord, ils ne parviennent pas à confirmer contre le Sud. Depuis leur éclosion en 2004, les Gallois n’ont arraché que deux courtes victoires à domicile contre l’Australie, ne parvenant à vaincre ni les néo-zélandais ni les sud-africains.


Les Pumas dans l’histoire


    Un petit mot sur l’Angleterre, qui, après avoir laissée une impression lamentable lors de la dernière coupe du monde, a confirmé dans le Tournoi qu’elle était sortie du marasme des dernières années. L’entraineur provisoire Lancaster a finalement signé pour trois ans, ce qui stabilise l’encadrement. Le Quinze de la Rose aura néanmoins fort à faire avec une Afrique du Sud puissante et qui pourrait se montrer plus entreprenante dans le jeu après l’arrivée de son nouveau sélectionneur.

    Enfin, la tournée de nos Bleus en Argentine sera intéressante à plus d’un titre. Tout d’abord, Philippe Saint-André a convoqué neuf novices, dont la plupart ont entre 20 et 23 ans (rappelons que le voyage a lieu durant les phases finales du championnat). Ensuite, les Pumas auront à cœur de montrer qu’ils méritent leur entrée dans le prochain tri-nations (renommé quadri-nations pour l'occasion). Cet évènement est le fait majeur du rugby international depuis la mise en place du professionnalisme : l’outsider argentin va enfin intégrer le concert des grandes nations du rugby, et on le sent capable de vaincre les meilleures équipes du monde.


Les tournées du mois de juin :

Le 5 : Australie – Ecosse
Le 9 : Nouvelle-Zélande – Irlande ;  Australie – Galles ;  Afrique du Sud – Angleterre
Le 16 : Idem  +  Fidji – Ecosse  et  Argentine – France
Le 23 : Idem  +  Argentine – France  et  Samoa – Ecosse

mercredi 9 mai 2012

Professionnalisme : premiers effets pervers


      Lu dans le délicieux livre de Denis Lalanne, Le grand combat du XV de France (quand la France fit sa première tournée en Afrique du Sud, dont elle sortit victorieuse) :

« (…) Car les gens de l’International Board, quoiqu’on pense, ne veulent pas ‘snober’ le petit mécano pyrénéen ou le gros viticulteur catalan qui se passionnent pour ce jeu ; ils ont seulement le cher souci de le préserver des propriétaires-maquignons s’entourant à l’ère moderne de fabricants de champions, entraîneurs patentés et techniciens de laboratoire qui pourraient dénaturer le ‘sport-roi’ ainsi qu’il est aujourd’hui advenu de tant d’autres sports qui étaient naguère amusants. Autre chose est de cultiver la tradition du cher vieux ‘football-rugby’. »

Les marchands dans le temple

     Ces lignes ont été écrites en 1958. Les choses ont beaucoup changé depuis. L’IRB s’ingénie désormais à répandre le professionnalisme partout, se couche devant un magnat des médias qui réclame toujours plus de matchs pour la publicité… Il ressemble de plus en plus aux instances dirigeantes du football et des JO, où les affaires ont pris le dessus sur toute autre considération.

  -- Sans vouloir tomber dans le grognonisme automatique, force est de constater les effets lamentables de la professionnalisation du rugby. Le moindre d’entre eux n’est pas la multiplication des matchs, qui enlève l’attrait principal des rencontres internationales.

Mais le plus important est sans doute le moins visible. Fini le « sport de voyous pratiqué par des gentlemen », phrase ressassée, certes, mais qui éclairait en profondeur ce qu’était l’aristocratie rugbystique. Désormais, on forme des bébés rugbymen que l’on suit dès l’adolescence. Tapis déroulé, sans avoir à pratiquer un autre métier que « jouer au rugby » ; les nouveaux joueurs sont devenus humainement quelconques, voire médiocres.
A quoi fallait-il s’attendre d’autre, à partir du moment où l’on donne des fiches de salaire et des points-retraite à ceux qui ne font que pratiquer leur passion sportive ?...  (Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si les arbitres sont obligés de parler beaucoup plus qu’avant sur les terrains)

Les affaires contre le rugby français ?

 -- Dans les clubs, l’impact du professionnalisme est brutal. Il existe désormais une saison des transferts, et il n’est pas rare de voir des joueurs changer de ville tous les ans (sauf, évidemment, à Toulouse). Voilà qui éclate ce sport enraciné.

En France, le professionnalisme est – comme la mondialisation – particulièrement violent. Il n’est pas rare que la moitié des effectifs des équipes premières soit étrangère. Certains clubs lancent même des partenariats avec les îles du Pacifique, où, pour une bouchée de pain, l’on peut dégoter des colosses talentueux. Ils essayent de fidéliser au plus jeune, affirmant (mais y croient-ils vraiment ?) que le sentiment d’appartenance à un club peut être aussi fort que l’appartenance à un peuple.

Politique déracinée de gestionnaire, qui est bien plus avancée dans notre pays qu’elle ne l’est en Grande-Bretagne ou dans l’hémisphère sud...

 -- L’argent étend ses ramifications partout. L'ex président de la Ligue nationale – l’homme d’affaires Serge Blanco – ne vient-il pas de déclarer que, au cas où il prendrait la tête de la Fédération française, il interdirait à des clubs de monter dans le top 14 s’ils n’avaient pas un budget minimum, ainsi qu’un stade moderne avec un certain nombre de places ?

On a laissé les marchands entrer dans le temple ; il va bien falloir, un jour, songer à les en déloger…

mardi 13 mars 2012

Première faute de goût

      Ceci est un post-scriptum suivant le message d’hier. A peine l’avions-nous posté que nous apprenions la décision de Philippe Saint-André de sortir quatre joueurs valides de l’effectif. En plus de Dupuy, à qui il n’aura été donné qu’une maigre chance de s’imposer dans le Quinze national, et de Nallet, qui laisse sa place à de plus jeunes joueurs, le sélectionneur a littéralement viré Mermoz et Malzieu.

Il s’agit selon nous de la première erreur du nouvel encadrement, mis sous pression après le match nul contre l’Irlande et la courte défaite face à l’Angleterre. Changer le groupe juste avant la fin du Tournoi n’est pas le meilleur moyen de donner de la confiance aux joueurs, d’autant plus si c’est pour se débarrasser de Maxime Mermoz – trois-quarts centre à gros potentiel qui n’aura joué que 50 minutes dans le Tournoi ( !) – ou Julien Malzieu – excellent contre l’Italie et l’Ecosse, solide face à l’Irlande.

   Après le test au Pays de Galles, le groupe se séparera pendant trois mois. Le moment ne semblait pas opportun pour remanier ainsi l’effectif global. Plutôt que de trouver des fusibles, l’encadrement devrait s’atteler à revoir ses entrainements défensifs.

Rendez-vous à Cardiff, donc, samedi prochain (coup d’envoi à 15h45).

lundi 12 mars 2012

France : fébrilité passagère

     Nous analyserons le présent Tournoi quand il sera terminé. En attendant, nous ne changeons pas grand-chose à ce que nous avions écrit suite aux deux premières journées (http://www.lerugbyinternational.blogspot.com/2012/02/tournoi-les-premiers-enseignements.html).

Un mot sur l’équipe de France, qui sort d’un match nul contre l’Irlande et d’une défaite contre l’Angleterre à domicile. Les deux fois, les Bleus ont déjoué en première mi-temps, concédant des essais soudains et non construits, avant de se reprendre et de dominer en seconde période.

Ce que nous croyons distinguer, c’est une volonté de trop bien faire (cf l'énorme déception après le match nul contre l'Irlande), qui se traduit par une forme de précipitation sur le terrain. Une facilité dans la manière de mener certaines actions, aussi, qui n’a pas pardonné contre l’Irlande (sur le premier essai de Bowe) et l’Angleterre (essai de Tuilagi). Est-ce parce que le Quinze national est enfin dirigé par un entraîneur « normal », après douze années de politique délirante (ère Laporte et surtout Lièvremont) ?

Quoiqu’il en soit, nous ne sommes pas inquiets. Certes, quelque chose doit clocher dans les entrainements défensifs. Mais Philippe Saint-André pratique une politique dans la durée et sait reconnaitre les hommes forts, ce qui est de loin le plus important. Il faut savoir être patient.

De grands talents dans l’effectif

     Les hommes forts, parlons-en.
Depuis leur retour en place de titulaire, Harinordoquy est exceptionnel et Poitrenaud presque parfaitDusautoir est plus que jamais le mur de fer de l’équipe de France, et assume naturellement le capitanat. Maestri monte en puissance, Szarzewski sait sonner la révolte quand il le faut, tout comme Debaty, qui devra bientôt prendre la relève des magnifiques première-ligne que sont Mas et Servat.

Derrière, Rougerie est le meneur de la ligne de trois-quarts et les ailiers de qualité ne manquent pas, à l’instar de Malzieu, incroyablement ignoré par Lièvremont. Mermoz ou Fofana sont talentueux. Ce dernier est un drôle de cas : 4 essais en 4 matchs dans des situations similaires (le coup de rein décisif pour franchir l’en-but après un gros travail des équipiers), une capacité d’accélération énorme, et une attitude humble à l’opposé de la starification étrange qu’essayent de monter les journalistes de France 2. A l’envers de la médaille, le joueur se préserve beaucoup : durant ses deux premiers matchs, il a touché moins de ballon que l’un au moins des deux ailiers, ce qui est très anormal pour un trois-quarts centre ; en défense ou sous les chandelles, la différence avec son compère Rougerie est flagrante. Ce n’est finalement qu’en passant à l’aile (suite à une réorganisation des lignes arrière contre l’Angleterre) que Fofana nous a paru plus à l’aise et plus présent dans le jeu. Au regard de ses capacités physiques, n’est-ce pas à ce poste qu’il devrait évoluer ?

N°9 et 10 : une importance charnière

     Le seul espace flottant est la charnière. Malgré les vingt titularisations groupées de Parra et de Trinh-Duc, il manque quelque chose au duo. En dépit de sa grande volonté et d’une confiance montante, Parra (23 ans seulement) est encore un peu frêle, tandis que le jeu au pied de Trinh-Duc ne suit pas sa vista à la main.
Contre l’Angleterre, Dupuy n’a pas assumé pleinement son rôle de demi de mêlée (qui doit donner des indications, influencer le jeu au près etc) ; cela explique en partie la désorganisation et les hésitations des avants derrière les regroupements.
Beauxis, en revanche, a fait du bien. A force de titulariser des ouvreurs à pied de crevette, on avait oublié l’importance d’avoir un n°10 sachant dégager au loin sous la pression, être capable de mettre des drops et rentrer des pénalités de cinquante mètres. L’homme a des capacités rugbystiques exceptionnelles. Il est temps de lui faire confiance en lui accordant plusieurs sélections d’affilée.

mercredi 15 février 2012

Tournoi : les premiers enseignements


    Deux premières journées intéressantes malgré la décision étonnante du match France-Irlande (voir le post-scriptum).

 -- L’Angleterre a peiné en ce début de Tournoi, et l’on ne donne pas cher de sa peau contre l’Irlande, la France et Galles. Parmi les rares satisfactions, le sang-froid épatant du trois-quarts centre de 20 ans Owen Farrell, imperturbable dans ses coups de pied et en défense.

 -- A défaut d’être de grands seigneurs, les joueurs gallois sont très forts, et le système défensif mis en place par Warren Gatland est toujours aussi efficace. Le Pays de Galles est en train de vivre une troisième phase de succès depuis son éclosion en 2004 ; celle-ci pourrait durer plus longtemps.

 -- L’Ecosse retombe dans ses travers, soit le manque d’efficacité. De grosses occasions d’essais manqués contre l’Angleterre, des phases de domination stériles contre Galles… Pourtant, l’état d’esprit nous semble positif. En outre, les deux ouvreurs essayés jusqu’ici n’ont pas tout-à-fait convaincu. Pour le moment, le grand espoir Duncan Weir reste sur le banc.

La révélation de ce début de Tournoi, car il y en eut, est écossais : c’est le numéro huit David Denton, 22 ans, superbe contre l’Angleterre et souvent présent au bon endroit dans le match difficile contre Galles.

 -- L’Italie s’améliore encore et toujours. A défaut de victoires, elle ne nous semble plus risquer de prendre des roustes par les meilleurs. C’est un excellent signe de progression. Leur capitaine, Sergio Parisse, s’affirme comme l’un des meilleurs troisième-ligne centre de l’hémisphère Nord, si ce n’est le meilleur.

L'équipe de France sur la bonne voie

 -- Enfin et surtout, l’équipe de France nous a fait plaisir durant la première journée. Pas de grandes envolées, certes, mais la crispation habituelle lors des réceptions de l’Italie a été rangée au placard. La défense nous a paru convaincante. Première sélection sans faute pour Fofana au centre.
N’en déplaise au médiocre commentateur de France Télévisions – qui se plait à faire de la discrimination ‘positive’ pour des jeunes talents qui n’en ont pas besoin (« Wesley Fofana ! Wesley Fofana ! ») –, les joueurs qui ont crevé l’écran contre l’Italie étaient les types extraordinaires oubliés par Marc Lièvremont : l’ailier Julien Malzieu, à qui il reste deux à quatre ans de carrière, le troisième-ligne centre Louis Picamoles… Mais aussi Aurélien Rougerie, encore une fois parfait, dont on se demande pour quelle raison il n’est pas titulaire indiscutable depuis l’ère Laporte.
Bref, on a hâte de voir la suite (avec Beauxis à l’ouverture, si possible).



 Post-scriptum : l’arbitre de France-Irlande et l’organisation du Stade de France auront eu besoin de deux bonnes heures pour déclarer le terrain gelé, alors que l’enceinte était pleine comme un œuf.
Il n’en fallait pas plus pour que certains se précipitent dans la brèche et lancent un débat sur la construction d’un stade muni d’un toit. Nous savons bien que l’homme moderne a l’obsession de se défaire des contraintes de la nature, mais il est plus sain de faire avec. Le rugby sans les éléments ne serait plus tout-à-fait du rugby.
Plutôt que de se perdre dans de telles conjectures, il nous parait plus intéressant de pointer du doigt ce qui n’a pas fonctionné samedi pour éviter que ce genre d’évènement ne se reproduise.

Au mieux, il s’agit d’un manque d’organisation patent de l’arbitre et des responsables du Stade de France, qui ont attendu l’heure du coup d’envoi pour annoncer l’annulation de la rencontre (et qui auraient préalablement décliné l’offre de France Télévisions de jouer dans l’après-midi).
Au pire, d’une décision suspecte : quand on se rappelle de l’Italie-Angleterre joué sur la neige le même jour, des températures bien pires qu’a déjà connu le Stade de France ces quinze dernières années, et du projet à plusieurs dizaines de millions d’euros qui traine dans les cartons (pour la construction d’un stade fermé), il y a de quoi de se poser des questions.

jeudi 2 février 2012

Un Tournoi du renouveau ?


         Nous avions anticipé en 2011 un Tournoi ouvert remporté par l’Angleterre. Pour autant, la compétition n’avait pas été des plus passionnantes. Cette année devrait rattraper la déception. Certes, les Tournois suivants les coupes du monde n’ont jamais été très relevés, mais le rendez-vous en Nouvelle-Zélande a lui-même frôlé le ridicule. Alors…


     En France, les joueurs sont soulagés. La catastrophique période Lièvremont est révolue. Un homme qui juge autant les performances que les qualités intrinsèques de ses hommes a enfin pris la tête du Quinze national. Philippe Saint-André est reconnu et respecté. Il semble posséder les capacités d’entraîneur et les qualités humaines qui conviennent à la prise en charge d’une grande équipe.
Seul ombre au tableau, il n’a jamais mené que des clubs de fait étrangers : Sale outre-Manche, tout d’abord, qui a gagné le championnat en 2005-2006, puis Toulon, à une époque où le club était rempli de stars venues d’ailleurs. Saura-t-il bien coller à l’état d’esprit de nos internationaux ? Croisons les doigts.

Saint-André, ou la fin de l'ère Lapasset

     Son arrivée à la tête des Bleus coïncide avec le retour de joueurs extraordinaires trop longtemps ignorés : Picamoles, Malzieu, Beauxis… Ce dernier a enfin trouvé un club à sa taille, explosant toutes les moyennes avec Toulouse. Il est sans doute l’ouvreur que la France attend depuis le passage de l’exceptionnel Christophe Lamaison à la fin des années 90. On espère vite le voir comme numéro 10.

     La France du rugby ne tourne pas seulement la page Lièvremont : elle achève l’ère Lapasset. L’ancien inspecteur des douanes devenu président de la Fédération française de 1991 à 2008 peut se targuer d’avoir été régulier : il a toujours choisi les sélectionneurs sur des critères contestables. Parmi eux, dans la presque totalité des cas, une expérience peu poussée et la priorité donnée aux programmes à courte vue (prendre les joueurs « du moment », choix orientés en premier lieu par des critères physiques etc…). Marc Lièvremont n’était que le dernier d’une longue liste, le plus extrême aussi. Si la sérénité n’est pas encore revenue au sein de la fédération, il est clair que le choix de Philippe Saint-André tranche radicalement avec la politique menée auparavant.

Ni la France ni l’Angleterre ne sont favoris…

     L’attente est très forte en France ; elle ne l’est pas moins au Pays de Galles et en Ecosse.

Dans le premier pays, on voit déferler des jeunes talents tous les ans, et la coupe du monde nous a encore ébahis sur ce point (Warburton, North, Davies). L’excellent entraîneur Warren Gatland semble enfin avoir pris la mesure de la psychologie très particulière des Gallois, ce qui explique sans doute la régularité retrouvée du Quinze du Poireau depuis dix-huit mois. Selon nous, le Pays de Galles pourrait co-dominer le rugby du Nord dans les prochaines années.

Quant à l’Ecosse, on y observe un renouveau qu’on n’espérait plus  (lire http://www.lerugbyinternational.blogspot.com/2011/11/vers-une-resurrection-ecossaise.html). Le pays connait un afflux de joueurs talentueux qui ne sont pas traumatisés par les défaites successives. En coupe d’Europe, Edimbourg a terminé premier de sa poule, une première pour un club écossais. Glasgow a fini deuxième mais n’a pu se qualifier. Ce n’est qu’un début, et – bien qu’il lui faudra du temps – nous avons hâte de voir le nouveau Quinze du chardon à l’œuvre.

     L’Irlande ne nous parait pas être une favorite indiscutable. Si ses provinces explosent tout en coupe d’Europe, le Quinze du Trèfle a sans doute vécu l’apothéose ces trois dernières années. Et, à l’automne, il a manqué l’occasion idéale de se qualifier pour la première fois de son histoire en demi-finale de la coupe du monde. Un signe… L’Irlande restera néanmoins un prétendant sérieux à la victoire finale.

Un pronostic difficile

     Hormis l’équipe de France, la plus grande incertitude concerne l’Angleterre. On la croyait repartie sur des bases saines, mais la démission récente de l’entraîneur Johnson montre une désorganisation évidente. Le Quinze de la Rose est en danger : face à la compétitivité de l’Irlande et de Galles, au renouveau de la France et de l’Ecosse, il pourrait connaître l'un de ses pires classements depuis des années.
Difficultés à prévoir aussi pour l’Italie, dont on suivra avec attention les premiers pas sous la direction de Jacques Brunel.

    -- Pronostic difficile, donc, pour ce Tournoi. Nous parions volontiers sur une absence de Grand Chelem, et, avec moins d’assurance, sur une victoire de l’équipe de France…


PS : Mourad Boudjellal, l’homme qui avait racheté le RC Toulon en 2006, vomit l’arbitrage dans le top 14 suite à une défaite face à Clermont (« sodomie arbitrale »), puis s’en prend au rugby français dans son ensemble, parlant d’un « sport réac », « raciste », dont les supporters seraient de « vieux cons ». Le personnage montre sa nature profonde.
Nous nous étonnons de la passivité des autres dirigeants français, qui se contentent de qualifier ses propos d’ « injustes », et de la clémence de la Ligue nationale, qui le sanctionne pour la forme. Et nous n’avons qu’une chose à dire à ce nouveau riche aux réactions de rebeu caricaturales : Boudjellal, dégages !