lundi 29 novembre 2010

L'horrible claque

59 points encaissés (contre 16 petits points marqués), c’est l’une des plus lourdes défaites du Quinze de France. Un match à rapprocher de celui de 1997 contre l’Afrique du sud (plus que les 61 points encaissés en Nouvelle-Zélande en 2007 par une équipe de France 3). Pour la dernière rencontre au Parc des Princes, le Quinze national avait prit l’eau de toute part pour un 10-52 logique. Quoique… La rouste de samedi est pire encore.

Elle est pire parce que l’Australie d’aujourd’hui n’est pas l’Afrique du sud de 1997. Certes elle possède des talents en devenir, notamment dans sa ligne de trois-quarts pétillante – au sommet samedi soir –, nous y reviendrons dans un futur message. Mais enfin… Elle est en construction. Si la première mi-temps a montré que l’Australie était supérieure aux Bleus du jour, le score était somme toute serré, et les avants français mirent à mal la mêlée australienne à plusieurs reprises. Néanmoins, l'incapacité de l'attaque annonçait déjà les difficultés de la deuxième partie de match.

En seconde mi-temps, les joueurs français lâchèrent psychologiquement. 46-3 en une mi-temps après une première période terminée sur un 13-13… Comment l’expliquer, si ce n’est par un décrochage mental ? On a soudain vu une défense tricolore lente, dépassée à chaque accélération, une équipe vide, sans âme. Pourquoi ?
Je pense que le décrochage observé samedi dernier trouve son origine dans les dernières semaines – au moins – de l’équipe de France. Elle s’explique par le doute permanent instillé par les sélectionneurs dans la tête des joueurs, par cette politique systématique et technicienne du « Je prends les joueurs en forme » [voir billet du 15/11 – La revanche de Toulouse], qui détruit un groupe, qui est injuste envers les chefs naturels et les grands talents. On ne peut pas passer son temps à changer les Quinze de départ, à mettre le bonnet d’âne à des types de grande envergure sous prétexte qu’ils ne sont pas en forme avec leurs clubs depuis un mois, à lancer des petits nouveaux dans un groupe sans cesse remanié et sans cohésion, puis se plaindre de voir l’équipe se déliter soudainement.
Au fond, la débâcle de samedi dernier est très logique. Il est possible de résister un peu face à une grande nation, mais on sombre vite s’il n’y a aucune âme collective.

A ce titre, nous reviendrons d'ici la fin de l'année sur les débâcles de l'équipe de France ces dix dernières années. Des défaites très lourdes quelques mois après de belles promesses, il y en a eu d'autres dans l'histoire des Bleus, particulièrement dans la dernière décennie. Une période qui correspond étonnamment à la bougeotte de sélectionneurs avides de changements (l'ère Laporte étant peut-être encore pire que l'ère Lièvremont à cet égard). Nous y reviendrons dans un prochain message.

jeudi 25 novembre 2010

Lumière noire...

   La Nouvelle-Zélande a de nouveau frappé fort. L’Irlande du jour n’était pas l’Ecosse lente et courageuse de la semaine dernière, mais l’addition est sans appel : 18-38 et quatre essais à la clef. Le Quinze du Trèfle, qui avait été un adversaire coriace ces dernières années, a sombré en 2010 face à des Blacks au sommet. Cet été, le déplacement en Nouvelle-Zélande s’était déjà soldé par un lourd 66-28 (après avoir reçu un carton rouge à la 15ème minute). On ne peut pas dire que l’Irlande ait démérité samedi dernier. Jusqu’à l’essai de Read à la dernière minute, le match avait pris la tournure d’une course à distance, avec des irlandais qui avaient largement été devancés au début de la deuxième période avant de contenir la marée noire.

  La Nouvelle-Zélande est plus que jamais l’épouvantail du rugby mondial. Rarement une équipe aura autant dominé au niveau international, et ce malgré la multiplication des matches qui augmente les risques de défaite. Avec des joueurs comme Daniel Carter, qui est déjà entré dans le panthéon des grands ouvreurs de l’histoire, ou le grand capitaine McCaw, la Nouvelle-Zélande semble encore plus forte que lors de la période 2005 – 2007, celle qui avait vu les hommes en noir écraser les Lions britanniques et ne connaître que 3 défaites en 28 matches (jusqu’avant la Coupe du monde et la défaite contre l’équipe de France).

Cette année, elle atteint un sommet : deux victoires très larges lors des tournées d’été (contre l’Irlande, puis contre Galles 42-9), un « grand chelem » dans le tri nations malgré l’interminable nouvelle formule (6 tests pas pays) – c’est une première dans l’autre hémisphère – , suivi de trois victoires de rang dans les îles britanniques, dont une attaque déchaînée jusqu’au bout contre l’Ecosse il y a dix jours (3-49), dont voici une courte vidéo des essais néo-zed (les commentaires sont en anglais) :

 

Le seul bémol à apporter a été l’attitude de « laisser venir » adoptée contre les anglais lors du premier test de la Tournée des îles britanniques. Après avoir rapidement et facilement pris le large en première période, les néo-zélandais ont été clairement dilettantes, et permis aux anglais de se rapprocher au score. Une attitude logique pour qui est trop fort, mais veut rester diplomatique. Une attitude qui ne laissera pas de chance lors de la prochaine coupe du monde, qu’ils ne doivent pas manquer. Une petite piqure de rappel avant « leur » coupe du monde ne serait pas mauvaise, dans le tri nations cet été ou, pourquoi pas, contre la France lors de la première grande rencontre de la compétition de l’automne prochain... Elle assurerait sans doute à la Nouvelle-Zélande un sacre mondial si mérité.


lundi 15 novembre 2010

La revanche de Toulouse

      Les toulousains ont mal vécu d’avoir été mis à l’écart du groupe initial de l’équipe de France pour les tournées d’automne. Fin octobre, à l’annonce des joueurs retenus, ils avaient dit leur malaise à demi-mot ; leur entraîneur Guy Novès l’avait souligné avec moins de retenue et une ironie amère : « C'est qu'on ne doit pas être bons... ».  La décision du sélectionneur de ne pas choisir certains joueurs cadres (Heymans, Clerc, Poitrenaud…) ou des jeunes en devenir (Picamoles…) avait pu paraître étonnante, à un an de la coupe du monde. Pas seulement par le talent qu’ils offrent, mais aussi par l’expérience vécue.

   Une bonne partie des hommes ignorés (les toulousains ne sont pas les seuls) ont connu des moments d’adversité et d’émotion intenses : le Grand Chelem dans le Tournoi l’an passé, la très belle victoire contre l’Afrique du Sud il y a un an, mais aussi et surtout la Tournée en Nouvelle-Zélande à l’été 2009. La Quinze national y avait gagné ses titres de noblesse : une victoire sur le sol néo-zélandais, un évènement rarissime pour une équipe de l’hémisphère Nord (les deux dernières victoires du Nord en Nouvelle-Zélande remontent à 2003 avec une Angleterre au sommet du monde et à 1994 durant la fabuleuse Tournée victorieuse de l’équipe de Pierre Berbizier et son « essai du bout du monde »), suivi d’une courte défaite (14-10).

  Les hommes qui disputent ce genre de matches ne peuvent être ignorés. Ils ont montré non seulement qu’ils avaient du courage, du talent, de l’abnégation et du sang-froid, mais qu’ils possédaient cette étincelle en plus, un esprit de mousquetaire, une liberté assumée. Fougueux mais pas fous, talentueux mais solides, harmonieux dans leurs jeux et relativement sereins dans leurs têtes, tout ce qui a fait de grandes équipes de France, en somme… Beaucoup de toulousains en faisaient partie.

Pour que les talents et les qualités humaines éclatent au grand jour, il est préférable de tourner la page du démocratisme sportif ambiant, qui veut qu’ « on ne choisit que les joueurs en forme ». Les joueurs du moment, ceux d’hier n’ont plus le droit de citer, ceux de demain ne seront pas ceux d’aujourd’hui… On institue le doute et l’instabilité permanente. On cherche à créer une réaction chez des hommes qui sont au-dessus de ça. Et, d’une certaines manière, on infantilise les joueurs, comme l’a si bien remarqué l’ancien ouvreur international Alain Penaud dans une de ses dernières chroniques (« Je me mets à la place des joueurs. A un moment donné, il faut arrêter de se comporter comme un instituteur. On tape sur les doigts, on met le bonnet d'âne. On infantilise un peu les internationaux. »). Pensez-vous que les qualités des uns et des autres s’égalisent, que tout le monde peut être un chef naturel ? Eh bien non. Et des joueurs d’exception seront maintenus sous le boisseau toute leur carrière par l’implacable loi de « la forme du moment », quand-bien même elle ne dure que deux mois.

  Ainsi va souvent l’équipe de France, dont l’énorme potentiel ne peut jamais pleinement s’affirmer faute de bénéficier de fondations solides. En attendant, les joueurs toulousains écartés ont fait vrombir le cor dans l’air du temps : en écrasant un Toulon pourtant combattif (44-5 et 6 essais) puis en s’imposant avec la manière sur le terrain de Bourgoin malgré la pluie (11-35 et 4 essais), ils ont prouvé que le panache et la réussite ne se trouvaient pas dans un démocratisme sportif trop logique. Il est ailleurs…