mardi 24 mai 2011

Une très grande coupe d'Europe


      Nous pensions avoir vu le plus beau match de la coupe d’Europe avec le Toulouse-Leinster de la demi-finale. C’était sans compter sur une finale exceptionnelle, tant par le rythme de jeu que par son déroulement si étonnant. Les Anglais de Northampton et les Irlandais du Leinster ont donné à voir un jeu plein, d’une rare intensité physique, empli de passes, de courses et de jolis coups de pied. Le tout agrémenté d’un nombre de fautes minime.
     Il était évident que la qualité de la coupe d’Europe s’améliorait au fur et à mesure des années ; elle a atteint en 2011 le summum de ce qui a été donné de voir depuis la première édition en 1996. L’hémisphère Nord n’a ainsi plus rien à envier au Sud et son Super 14. Pour la première fois depuis quinze ans, elle peut même prétendre avoir fait des jaloux de l’autre côté du globe.

     Interrompu par un Tournoi très ouvert, et à quatre mois de la coupe du monde, ce championnat d’Europe offrit dès les demi-finales de véritables confrontations nationales. Le Leinster-Toulouse fut un Irlande-France miniature. A l’image de l’équipe de France (à la seule différence qu'elle est gérée à long terme), Toulouse s’était montrée dangereuse jusqu’au bout, mais avait perdu de 9 points.
    Il n’est pas inutile de rappeler que la province du Leinster forme de son côté plus de la moitié du Quinze du Trèfle, O’Driscoll représentant à lui seul le lien profond entre les deux formations. Longtemps relégué derrière le Munster et ses avants surpuissants, le Leinster est depuis trois ans la meilleure province d’Irlande, largement aidée en cela par l’arrivée de nouveaux joueurs dans le pack et d’une charnière enfin à la hauteur des enjeux.
Quand à Northampton, elle est l’équipe par laquelle se sont révélées les deux nouvelles terreurs des lignes arrière anglaises, Ashton et Foden. Inconnu il y a encore deux ans, Ben Foden s’impose comme l’arrière le plus intelligent et le plus doué du rugby mondial.

     Foden-O’Driscoll : on espérait des duels entre ces deux hommes, le grand relanceur contre le grand capitaine. Nous avons été servis en première mi-temps, l’Anglais gagnant sur toute la ligne, à l’image de son équipe. 25ème minute : attaque des Irlandais, qui déchirent le rideau de Northampton. O’Driscoll se retrouve en position d’attaque, forcé de courir en diagonale, avec pour seul obstacle avec la ligne d’en-but Ben Foden. L’Anglais le plaque sans coup férir, et provoque un en-avant de l'attaquant (voir la vidéo). Quelques minutes plus tard, l’inverse se produit, l’arrière Anglais filant à l’essai après un placage manqué du n°13 du Leinster.
    Deux actions qui symbolisent le calvaire, voire l’humiliation, subie par les Irlandais en première période. Concassés comme rarement en mêlé, incapable de contenir la fougue et l’orgueil des Anglais, dominés en période de supériorité numérique (carton jaune pour Mujati), le Leinster a pris 22 points contre seulement 6 de marqués.

La deuxième mi-temps allait montrer un tout autre spectacle et révéler les capacités mentales puissantes des joueurs Irlandais.

    Relancés par un essai rapide du numéro dix Sexton, appelé à prendre définitivement la relève d’O’Gara en équipe nationale, les maillots bleus du Leinster déferlèrent comme une mer en furie sur les digues anglaises, provoquant de fréquentes ruptures. Tranquillisés par leur avance, les Anglais se sont-ils reposés sur leurs lauriers à la mi-temps ? Ont-ils été surpris par le fighting spirit du Leinster, qui retrouvait enfin son niveau de jeu ? C’est possible, au regard de leur incapacité à garder le ballon une fois qu’il était dans leurs mains (seulement 20% de temps de possession pour Northampton dans les dix premières minutes !).

    Ce qui étonne de la part des Irlandais, c’est leur volonté de ne rien lâcher, même revenus au score. Tel un chien têtu sur sa proie, ils ne donnèrent pas la moindre occasion à Northampton de se dégager de la tenaille, donnant la même impression de volonté totale et jamais lassée entraperçue lors de la réception de l’Angleterre dans le Tournoi. A telle enseigne qu’ils prirent inexorablement le large au tableau d’affichage, et, avec 11 points d’avance, gérèrent les dix dernières minutes. Selon l'ancien international Alain Penaud, « cette équipe touche la perfection dans de nombreux domaines ».

Une petite vidéo des meilleures moments de la rencontre (les commentaires sont en anglais) :



     Cette coupe d’Europe montre une nouvelle fois les capacités mentales exceptionnelles des joueurs irlandais, certainement pas étrangères à leur histoire longue : dix ans de victoires et quelques déceptions, après avoir été le souffre-douleur du rugby mondial pendant tant d’années (cf le message du 1/04 : http://lerugbyinternational.blogspot.com/2011/04/retour-sur-le-tournoi-lirlande-la-plus.html). Une Irlande vieillissante à l’image d’O’Driscoll ? Peut-être. Mais une équipe qui a les ressources nécessaires pour terminer en beauté sa grande décennie, c’est-à-dire une demi-finale lors de la prochaine coupe du Monde...