mardi 22 novembre 2011

Vers une résurrection écossaise ?


      C’est la grande nouveauté de ce début de coupe d’Europe : les franchises écossaises semblent être compétitives. A première vue, c’est une incongruité.

    En effet, l’Ecosse traverse depuis dix ans la plus grave crise de son histoire : vivier de joueurs réduit à la portion congrue, désintérêt du public (seulement 5000 spectateurs à Murrayfield le week-end dernier pour le match d’Edimbourg), problèmes financiers dans les clubs et à la Fédération.

Certains dirigeants étaient conscients des problèmes profonds du rugby écossais, tel l’ancienne gloire John Jeffrey, qui estimait que cette crise reflétait un changement sociétal. Par petits pas, des opérations furent entreprises ces dernières années, visant toutes à redorer le blason du sport national dans le cœur des jeunes.

Déferlement de jeunes talents

    Depuis quelques temps, il se murmurait au fin fond des vallées encaissées que des joueurs prometteurs allaient arriver sur le devant de la scène. A l’instar de la brume qui envahit fréquemment les collines d’Ecosse, un filtre nous empêchait de discerner la pertinence des rumeurs.
La saison des clubs écossais l’an passé ne changeait pas des quinze dernières années : une litanie de défaites en coupe d’Europe. Quant au Quinze national, il a été éliminé dès les phases de poules lors de la dernière coupe du monde, une première depuis la création de cette compétition.

    Il aura fallu attendre le mois de novembre 2011 pour voir la brume se dissiper. La vision est éclatante.

Emmené par Harry Leonard à l’ouverture (19 ans), Matt Scott en premier trois-quarts centre (21 ans), ou encore Stuart McInally au poste de n°8 (21 ans), la franchise d’Edimbourg a gagné ses deux premiers matchs en coupe d’Europe et mène dans sa poule.
L’étincelle de la gagne semble revenue dans le camp écossais, avec des victoires d’un point contre les London Irish et le Racing-Métro. La rencontre face à l'équipe de Berbizier est symbolique de la nouvelle dynamique écossaise : mené de 21 points en seconde mi-temps, Edimbourg inversa la vapeur, étouffant le club parisien par son enthousiasme, et gagna 48-47.

    Glasgow semble également redevenir compétitif, avec une victoire contre Bath, avant sa nette défaite chez les champions d’Europe en titre (38-13 contre le Leinster). Pas moins d’un tiers de l’équipe-type est âgé de moins de 22 ans, et des joueurs comme l’arrière Stuart Hogg (19 ans) retiennent déjà l’attention.

Or, des ouvreurs talentueux, des trois-quarts compétitifs, c’est tout ce qui manquait au Quinze du chardon ces dernières années, lequel n'a gardé la tête hors de l'eau que grâce à ses avants très mobiles.

La France en retard

    Ce vent de fraicheur, on le retrouve également au Pays de Galles, où Llanelli a remporté ses deux premiers matchs malgré la titularisation de très jeunes joueurs (un n°8 âgé de 22 ans, une paire de centre de 22 ans, un ailier de 19 printemps…). Même l’Irlande voit l’éclosion de garçons prometteurs, comme le n°13 O’Malley (23 ans) qui remplace provisoirement mais avec succès O’Driscoll au Leinster, ou le troisième-ligne Peter O’Mahony (22 ans), intéressant avec le Munster.

    Cette dynamique très positive dans les pays celtes contraste avec ce qui se pratique en France, où le déferlement de joueurs étrangers confirmés freine le lancement des jeunes talents dans nos clubs. Il faudra bien un jour ouvrir le débat sur cette évolution marquée du sceau du professionnalisme, éminemment pénalisante pour notre rugby.