mercredi 15 février 2012

Tournoi : les premiers enseignements


    Deux premières journées intéressantes malgré la décision étonnante du match France-Irlande (voir le post-scriptum).

 -- L’Angleterre a peiné en ce début de Tournoi, et l’on ne donne pas cher de sa peau contre l’Irlande, la France et Galles. Parmi les rares satisfactions, le sang-froid épatant du trois-quarts centre de 20 ans Owen Farrell, imperturbable dans ses coups de pied et en défense.

 -- A défaut d’être de grands seigneurs, les joueurs gallois sont très forts, et le système défensif mis en place par Warren Gatland est toujours aussi efficace. Le Pays de Galles est en train de vivre une troisième phase de succès depuis son éclosion en 2004 ; celle-ci pourrait durer plus longtemps.

 -- L’Ecosse retombe dans ses travers, soit le manque d’efficacité. De grosses occasions d’essais manqués contre l’Angleterre, des phases de domination stériles contre Galles… Pourtant, l’état d’esprit nous semble positif. En outre, les deux ouvreurs essayés jusqu’ici n’ont pas tout-à-fait convaincu. Pour le moment, le grand espoir Duncan Weir reste sur le banc.

La révélation de ce début de Tournoi, car il y en eut, est écossais : c’est le numéro huit David Denton, 22 ans, superbe contre l’Angleterre et souvent présent au bon endroit dans le match difficile contre Galles.

 -- L’Italie s’améliore encore et toujours. A défaut de victoires, elle ne nous semble plus risquer de prendre des roustes par les meilleurs. C’est un excellent signe de progression. Leur capitaine, Sergio Parisse, s’affirme comme l’un des meilleurs troisième-ligne centre de l’hémisphère Nord, si ce n’est le meilleur.

L'équipe de France sur la bonne voie

 -- Enfin et surtout, l’équipe de France nous a fait plaisir durant la première journée. Pas de grandes envolées, certes, mais la crispation habituelle lors des réceptions de l’Italie a été rangée au placard. La défense nous a paru convaincante. Première sélection sans faute pour Fofana au centre.
N’en déplaise au médiocre commentateur de France Télévisions – qui se plait à faire de la discrimination ‘positive’ pour des jeunes talents qui n’en ont pas besoin (« Wesley Fofana ! Wesley Fofana ! ») –, les joueurs qui ont crevé l’écran contre l’Italie étaient les types extraordinaires oubliés par Marc Lièvremont : l’ailier Julien Malzieu, à qui il reste deux à quatre ans de carrière, le troisième-ligne centre Louis Picamoles… Mais aussi Aurélien Rougerie, encore une fois parfait, dont on se demande pour quelle raison il n’est pas titulaire indiscutable depuis l’ère Laporte.
Bref, on a hâte de voir la suite (avec Beauxis à l’ouverture, si possible).



 Post-scriptum : l’arbitre de France-Irlande et l’organisation du Stade de France auront eu besoin de deux bonnes heures pour déclarer le terrain gelé, alors que l’enceinte était pleine comme un œuf.
Il n’en fallait pas plus pour que certains se précipitent dans la brèche et lancent un débat sur la construction d’un stade muni d’un toit. Nous savons bien que l’homme moderne a l’obsession de se défaire des contraintes de la nature, mais il est plus sain de faire avec. Le rugby sans les éléments ne serait plus tout-à-fait du rugby.
Plutôt que de se perdre dans de telles conjectures, il nous parait plus intéressant de pointer du doigt ce qui n’a pas fonctionné samedi pour éviter que ce genre d’évènement ne se reproduise.

Au mieux, il s’agit d’un manque d’organisation patent de l’arbitre et des responsables du Stade de France, qui ont attendu l’heure du coup d’envoi pour annoncer l’annulation de la rencontre (et qui auraient préalablement décliné l’offre de France Télévisions de jouer dans l’après-midi).
Au pire, d’une décision suspecte : quand on se rappelle de l’Italie-Angleterre joué sur la neige le même jour, des températures bien pires qu’a déjà connu le Stade de France ces quinze dernières années, et du projet à plusieurs dizaines de millions d’euros qui traine dans les cartons (pour la construction d’un stade fermé), il y a de quoi de se poser des questions.

jeudi 2 février 2012

Un Tournoi du renouveau ?


         Nous avions anticipé en 2011 un Tournoi ouvert remporté par l’Angleterre. Pour autant, la compétition n’avait pas été des plus passionnantes. Cette année devrait rattraper la déception. Certes, les Tournois suivants les coupes du monde n’ont jamais été très relevés, mais le rendez-vous en Nouvelle-Zélande a lui-même frôlé le ridicule. Alors…


     En France, les joueurs sont soulagés. La catastrophique période Lièvremont est révolue. Un homme qui juge autant les performances que les qualités intrinsèques de ses hommes a enfin pris la tête du Quinze national. Philippe Saint-André est reconnu et respecté. Il semble posséder les capacités d’entraîneur et les qualités humaines qui conviennent à la prise en charge d’une grande équipe.
Seul ombre au tableau, il n’a jamais mené que des clubs de fait étrangers : Sale outre-Manche, tout d’abord, qui a gagné le championnat en 2005-2006, puis Toulon, à une époque où le club était rempli de stars venues d’ailleurs. Saura-t-il bien coller à l’état d’esprit de nos internationaux ? Croisons les doigts.

Saint-André, ou la fin de l'ère Lapasset

     Son arrivée à la tête des Bleus coïncide avec le retour de joueurs extraordinaires trop longtemps ignorés : Picamoles, Malzieu, Beauxis… Ce dernier a enfin trouvé un club à sa taille, explosant toutes les moyennes avec Toulouse. Il est sans doute l’ouvreur que la France attend depuis le passage de l’exceptionnel Christophe Lamaison à la fin des années 90. On espère vite le voir comme numéro 10.

     La France du rugby ne tourne pas seulement la page Lièvremont : elle achève l’ère Lapasset. L’ancien inspecteur des douanes devenu président de la Fédération française de 1991 à 2008 peut se targuer d’avoir été régulier : il a toujours choisi les sélectionneurs sur des critères contestables. Parmi eux, dans la presque totalité des cas, une expérience peu poussée et la priorité donnée aux programmes à courte vue (prendre les joueurs « du moment », choix orientés en premier lieu par des critères physiques etc…). Marc Lièvremont n’était que le dernier d’une longue liste, le plus extrême aussi. Si la sérénité n’est pas encore revenue au sein de la fédération, il est clair que le choix de Philippe Saint-André tranche radicalement avec la politique menée auparavant.

Ni la France ni l’Angleterre ne sont favoris…

     L’attente est très forte en France ; elle ne l’est pas moins au Pays de Galles et en Ecosse.

Dans le premier pays, on voit déferler des jeunes talents tous les ans, et la coupe du monde nous a encore ébahis sur ce point (Warburton, North, Davies). L’excellent entraîneur Warren Gatland semble enfin avoir pris la mesure de la psychologie très particulière des Gallois, ce qui explique sans doute la régularité retrouvée du Quinze du Poireau depuis dix-huit mois. Selon nous, le Pays de Galles pourrait co-dominer le rugby du Nord dans les prochaines années.

Quant à l’Ecosse, on y observe un renouveau qu’on n’espérait plus  (lire http://www.lerugbyinternational.blogspot.com/2011/11/vers-une-resurrection-ecossaise.html). Le pays connait un afflux de joueurs talentueux qui ne sont pas traumatisés par les défaites successives. En coupe d’Europe, Edimbourg a terminé premier de sa poule, une première pour un club écossais. Glasgow a fini deuxième mais n’a pu se qualifier. Ce n’est qu’un début, et – bien qu’il lui faudra du temps – nous avons hâte de voir le nouveau Quinze du chardon à l’œuvre.

     L’Irlande ne nous parait pas être une favorite indiscutable. Si ses provinces explosent tout en coupe d’Europe, le Quinze du Trèfle a sans doute vécu l’apothéose ces trois dernières années. Et, à l’automne, il a manqué l’occasion idéale de se qualifier pour la première fois de son histoire en demi-finale de la coupe du monde. Un signe… L’Irlande restera néanmoins un prétendant sérieux à la victoire finale.

Un pronostic difficile

     Hormis l’équipe de France, la plus grande incertitude concerne l’Angleterre. On la croyait repartie sur des bases saines, mais la démission récente de l’entraîneur Johnson montre une désorganisation évidente. Le Quinze de la Rose est en danger : face à la compétitivité de l’Irlande et de Galles, au renouveau de la France et de l’Ecosse, il pourrait connaître l'un de ses pires classements depuis des années.
Difficultés à prévoir aussi pour l’Italie, dont on suivra avec attention les premiers pas sous la direction de Jacques Brunel.

    -- Pronostic difficile, donc, pour ce Tournoi. Nous parions volontiers sur une absence de Grand Chelem, et, avec moins d’assurance, sur une victoire de l’équipe de France…


PS : Mourad Boudjellal, l’homme qui avait racheté le RC Toulon en 2006, vomit l’arbitrage dans le top 14 suite à une défaite face à Clermont (« sodomie arbitrale »), puis s’en prend au rugby français dans son ensemble, parlant d’un « sport réac », « raciste », dont les supporters seraient de « vieux cons ». Le personnage montre sa nature profonde.
Nous nous étonnons de la passivité des autres dirigeants français, qui se contentent de qualifier ses propos d’ « injustes », et de la clémence de la Ligue nationale, qui le sanctionne pour la forme. Et nous n’avons qu’une chose à dire à ce nouveau riche aux réactions de rebeu caricaturales : Boudjellal, dégages !