Cela
devait arriver. La Nouvelle-Zélande domine le rugby mondial depuis une
décennie, ce qui est sans doute inédit dans l’histoire. L’Afrique du Sud, qui
est – certes – toujours polluée par des histoires raciales (sous la pression du
gouvernement du zoulou Jacob Zuma, la fédération va désormais obliger les clubs
à suivre des quotas ethniques), montait en puissance ces trois dernières
années ; elle avait gardé une formation de qualité et celle-ci est
exploitée dans sa totalité depuis l’arrivée de l’excellent entraîneur Heyneke
Meyer en janvier 2012.
Cette
année, Boks et Blacks ont étrillé l’Australie et l’Argentine dans le
championnat sudiste des quadri nations. Tout le monde attendait la rencontre entre
les deux géants du rugby mondial. Le premier test-match, joué il y a un mois,
avait malheureusement été gâché par une pluie de cartons (dont un rouge). On espérait un duel au sommet pour le match retour. On
n’a pas été déçu.
L’arbitre au bord de l’asphyxie
Coups
de pied d’une qualité exceptionnelle (les touches de plus de 50 mètres ont été
légion), courses fabuleuses des troisième-lignes, passes magnifiques, réactions
immédiates des équipes qui encaissaient des points… Il a été impossible, samedi
dernier, de reprendre son souffle. A la fin de la rencontre, l’arbitre
était au bord de l’asphyxie et perclus de crampes.
Exemplaire
de ce match superbe, où chaque équipe a volontairement défié l’autre dans
le jeu au large, est cette longue action survenue vers la cinquantième minute :
suite à un regroupement en milieu de terrain et quelques passes de haute volée,
un troisième-ligne sud-africain s’échappe sur l’aile et s’approche dangereusement
de l’en-but adverse ; mais un trois-quarts néo-zélandais passe par là et sauve
son camp en récupérant le ballon de manière inespéré. Va-t-il taper en
touche ? Non. Il relance depuis ses vingt-deux mètres puis tape à suivre. Le
ballon est désormais à dix mètres de la ligne sud-africaine. Un défenseur Bok
récupère in extremis le cuir sous la pression des attaquants Blacks. Que fait-il ?
Il relance à son tour ! Quelques séquences de jeu plus tard, les
sud-africains ont déjà remonté le terrain et ils manquent pour quelques centimètres
de marquer un essai !
Le public de Johannesburg a beau en avoir vu
d’autres, c'est la folie dans le vieil Ellis Park.
Cette
partie ne s’est pas terminée dans l’intensité espérée. De manière paradoxale,
le carton jaune infligé au pilier néo-zélandais Ben Franks pour un coup
imaginaire donné à la 63ème minute a profité à son équipe, qui a
utilisé le faux rythme qui a suivi pour placer une attaque éclair dont elle a
le secret. S’en est suivi le cinquième essai Black et un écart de onze points
irrécupérable au regard des efforts fournis durant la première heure de jeu
(victoire finale de 38 à 27 pour la Nouvelle-Zélande).
S’ils voulaient
vaincre les indestructibles hommes en noir, les Boks auraient sans doute dû
s’appuyer davantage sur leur formidable pack d’avants plutôt que de répondre
systématiquement aux attaques au large par des offensives du même type. Et
s’appliquer dans les placages. Pour la deuxième année consécutive, la
Nouvelle-Zélande sort invaincue du quadri-nations. Exceptionnel.
Le
retour du grand duel Blacks-Boks est une bonne nouvelle pour le rugby mondial,
qui pourra désormais s’évaluer contre deux références et non plus une seule (la
Nouvelle-Zélande).
Insupportables Gallois
C’est
avec impatience que l’on attend les Tournées de novembre. Qui pourra
rivaliser ? Les Anglais, assurément, qui montent en puissance depuis un an et demi.
C’est
pourtant sur les Gallois que tous les regards se tournent. Et pour cause :
vainqueurs du dernier Tournoi, ils ont formé l’ossature du Quinze des Lions britanniques
qui a remporté la tournée en Australie il y a trois mois.
Seuls, les Gallois
ont néanmoins beaucoup de mal à vaincre les pays du Sud. Depuis qu’ils ont
réussi le Grand chelem en 2005, ils n’ont arraché que deux courtes victoires à
domicile face à l’Australie. En huit ans, ils ne sont parvenus à inquiéter
l’Afrique du Sud qu’à deux reprises, et se sont très souvent fait étriller par
la Nouvelle-Zélande. En voyage en Australie l’an dernier, ils avaient manqué (de
peu) une belle occasion de rapporter enfin une tournée victorieuse de
l’hémisphère Sud, malgré la faiblesse des Wallabies.
L’irrégularité des Gallois
dans le Tournoi ne les aide pas. Difficile dans ces conditions d’en faire une
référence du rugby du Nord, en dépit de leurs Grands chelems acquis en 2005,
2008 et 2012.
Et
les Bleus ? Le brouillard semble envahir pour longtemps le ciel de France.
On en veut pour preuve l’abaissement du Stade toulousain, qui, pour la première
fois depuis la mise en place du professionnalisme, ne joue plus sur le devant
de la scène. Son entraîneur emblématique, Guy Novès, n’a-t-il pas déclaré qu’il
fallait revoir toute l’organisation du club après les récentes défaites, et
s’adapter aux nouvelles exigences du rugby ? Il affirmait ainsi que Toulouse
devait renforcer ses équipes en achetant des joueurs étrangers, son fabuleux centre
de formation n’y suffisant plus.
Pendant
ce temps, le président du champion d’Europe en titre (Toulon) ne trouve rien de
mieux que de multiplier les insultes contre le rugby français, tandis que les
membres de la fédération – sous l’influence de l’homme d’affaires Serge Blanco
– lancent des appels à soutiens pour … construire un grand stade, dont ils espèrent de juteuses rentrées d’argent.
Le
contexte général n’est décidemment pas favorable au Quinze de France. Mais
gageons que ses joueurs de grande qualité relèveront le défi imposé par la
Nouvelle-Zélande et l'Afrique du Sud en novembre prochain.
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