Trois
défaites d’affilée dans le Tournoi. Nous laissons aux nouveaux commentateurs
friands de statistiques historiques qu’ils ne comprennent pas le soin de
trouver trace d’une telle bérézina dans le passé. Contentons-nous de dire qu’il
faut remonter à Mathusalem pour déplorer pareille série. Ca fait loin…
Les
débuts de Philippe Saint-André sont difficiles. Il doit tourner la page de la
révolution permanente initiée par Bernard Laporte et renforcée par Marc Lièvremont,
sous la houlette de l’ancien président de la fédération française de rugby.
Douze ans de changements incessants dans l’équipe, de mises à l’écart d’hommes
d’exception parce qu’ils avaient une méforme passagère… L’homme doit calmer les
esprits. Il doit construire.
Pour
ce faire, il s’appuie sur sa première tournée à l’étranger, celle en Argentine
l’été dernier. Le championnat n’était pas terminé : il avait dû faire
appel à des jeunes premiers ou à des anciens oubliés. Ces derniers avaient
confirmé à l’automne (Michalak, Dulin, Machenaud…), puis déçu en début de Tournoi.
Nouveaux changements contre l’Angleterre…
Le temps pour construire
La
cloche n’est pas encore bien réglée. Mais il ne nous semble pas que cette
équipe de France puisse un jour encaisser cinquante points par la
Nouvelle-Zélande ou l’Australie, comme cela était le cas ces dernières années.
Dans les trois matchs de ce Tournoi, les Bleus auraient pu gagner ou arracher
un nul. Aussi étonnant que cela puisse paraître après les échecs récents, la
politique de Saint-André est la seule à même de construire une équipe résistante
à toute épreuve.
Que
manque-t-il, hormis du temps ? Pour commencer, on observe une carence en
joueurs. De toute évidence, Saint-André n’a pas la chance (gâchée par ses prédécesseurs)
de pouvoir aligner des rugbymen exceptionnels comme Servat, Pelous, Galthié, Heymans, ou le Clerc des belles années.
Chez
les avants en particulier, mis à part le magnifique Picamoles (qui n’est pas
seulement pénétrant, comme on le lit ou l'entend dans la plupart des gros médias, mais très intelligent dans
son jeu) ou Dusautoir, le pack français – si important pour le Quinze national
– n’a pas la même niaque que celui des dernières décennies. En première ligne,
nous ne parvenons pas à remplacer les Servat et Mas. En seconde ligne, nous
n’avons toujours pas trouvé le digne représentant d’un Brouzet ou d’un
Pelous.
Pour
trouver un nouveau pack performant, Saint-André tente, cherche, tâtonne.
Mais à force d’embaucher des joueurs étrangers, les clubs français freinent le renouvellement.
Le réservoir n’est pas assez gros.
Des arrières monolithiques ?
En
revanche, manque-t-on vraiment de choix dans les autres lignes ? Le
sélectionneur se plaint de ne pas avoir de joueur capable de taper des ballons
lointains pour réduire la pression de l’adversaire. A-t-il bien regardé du côté
de l’un des plus grands clubs de France, Toulouse, où joue un ouvreur au pied
d’exception ? Lionel Beauxis est pourtant le seul numéro 10 français
capable de trouver des touches de cinquante mètres quand le besoin s’en fait
sentir. Le manque total d’indulgence dont on lui fait preuve (depuis le
sélectionneur précédent) contraste avec les chances répétées laissées à un
Trinh-Duc, par exemple.
En
numéro 9, n’oublions pas le grand espoir Jean-Marc Doussain.
Enfin,
les lignes arrières semblent manquer de cette fougue de mousquetaire qui est la seule
à même de révolter nos joueurs. Pouvons-nous hasarder à dire que les
Bastareaud, Fall, Fritz ou même la pile Fofana en manquent singulièrement
? Joueurs de qualité ils sont, mais cela suffit-il à faire un état d’esprit ?
Pourtant, le choix est large. Des joueurs confirmés ont complètement disparu de
la circulation : où sont passés les Maxime Médard, Alexis Palisson,
Jean-Marcellin Buttin ?
Une
équipe est un équilibre : il y a les êtres besogneux, les chevaux fous,
les sages et les chefs. C’est quand le Quinze de France a su trouver une
harmonie entre ces différentes énergies, avec un nombre suffisant de
mousquetaires, qu’elle a été grande. Or, c’est cet équilibre qui semble manquer
aujourd’hui à nos lignes arrière. On perd sans doute beaucoup à titulariser
ensemble un Bastareaud et un Fritz, un Fall et un Fofana...
L’Angleterre de nouveau dominatrice, le retour de l’Ecosse
Ce
Tournoi fournit deux informations précieuses. La première, c’est que
l’Angleterre domine de nouveau la scène nordiste. Sa progression n’est pas
terminée, tant l’équipe est jeune, y compris dans le pack d’avants. Surtout, le
rugby anglais semble s’être trouvé un nouveau Wilkinson en la personne d’Owen
Farrell. Or, le Quinze à la Rose n’est jamais aussi fort que quand il possède
un grand demi d’ouverture.
L’autre
information de taille est la résurrection de l’Ecosse. Pour la première fois
depuis l’entrée de l’Italie dans le Tournoi, le pays a très largement battu les
Transalpins. Et il a enchaîné dans la foulée avec une victoire contre
l’Irlande. Depuis quinze ans, l’Ecosse devait combattre pour éviter la cuillère
de bois, et ce ne sera pas le cas cette année. Le pays est sur la bonne voie. L’essai de quatre-vingt dix mètres marqué contre l’Italie par
Stuart Hogg – la future star au poste d’arrière – est le meilleur évènement qui soit pour ramener les jeunes écossais vers un sport national qu'ils avaient quelque peu délaissé.
- Il reste deux
journées à jouer :
Les
9 et 10 mars, Ecosse-Galles, Irlande-France et Angleterre-Italie
Le
16 mars, Italie-Irlande, Galles-Angleterre et France-Ecosse
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